Encore moins, encore mieux !
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- Mis à jour le jeudi 15 février 2018 22:30
Les chiffres de l’adoption internationale pour l’année 2017 viennent d’être publiés. A la lecture des commentaires dans la presse, on a l’impression qu’il s’agit d’un communiqué optimiste sur la diminution des accidents de la route.
« Super, on a encore fait mieux que l’an passé, c’est à dire moins » (685 visas) pourrait-on penser à la lecture des journaux. La révolution culturelle a été assumée lors de la dernière conférence organisée par la Mission de l’Adoption Internationale (« MAI ») : il faut passer d’un objectif de quantité à un objectif de qualité.
Pour la première fois depuis que la MAI publie le nombre de visas accordés à des mineurs au titre de l’adoption internationale, les adoptions nationales sont plus nombreuses que les adoptions internationales. Peut-on y voir un résultat de l’amélioration du niveau de vie des pays d’origine, comme le disent Les Echos, La Croix, Le Figaro. Cette explication ne peut pas être généralisée, car un pays comme Madagascar, qui a vu son PIB par habitant (évalué en dollars constants de 2005) diminuer d’environ 40% depuis 1960 (source : Banque Mondiale) a pourtant connu une diminution importante des adoptions internationales, signe que la chute de ces dernières ne saurait être attribuée à l’amélioration des conditions de vie locales.
Il faut remarquer la difficulté de commenter les données, publiées très souvent en pourcentage et non en nombres, ce qui complexifie la lecture et rend les analyses ultérieures périlleuses. C’est le cas des enfants à besoin spéciaux, dont on a du mal à savoir combien ils sont exactement. Le document publié par la MAI fait apparaître environ deux tiers d’enfants dans ce groupe, après quelques calculs car une lecture directe ne donne pas ce taux, alors que la presse (Le Figaro, La Croix, Les Echos) fait état de 75%. Il serait bon que les données soient les plus brutes possibles pour ne pas prêter le flanc à des interprétations divergentes, comme nous en avons connu sur le taux d’échec de l’adoption, sans que personne ne juge utile d’intervenir dans le débat.
Le nombre de pays d’origine diminue légèrement, pour s’établir en dessous des 50. On retrouve dans les premiers pays le Vietnam, la Colombie et Haïti, trois pays avec laquelle la France entretient depuis longtemps une relation étroite en matière d’adoption internationale. On peut regretter que l’on n’ait pas les moyens de calculer l’âge médian ou moyen des enfants arrivant en France. Les données proposées permettent simplement d’établir l’âge médian entre trois et six ans ; avec une telle précision, les comparaisons internationales tiennent de la divination. On constate cependant un phénomène relativement nouveau en 2017, avec l’arrivée d’enfants de plus de quinze ans, essentiellement d’Afrique.
Les procédures individuelles, source de tous les maux pour les autorités, n’ont plus cours que pour les pays n’ayant pas ratifié la convention de La Haye. Pour les pays La Haye, les OAA réalisent les deux tiers des adoptions, le tiers restant étant réalisé par l’AFA, qui atteint ainsi les objectifs qui lui avaient été fixés en proportion et non en volume. Sur les 29 OAA qui ont opéré sur l’année 2017, seuls dix (dont MDM qui a cessé ses missions) dépassent les dix adoptions. Le premier opérateur est maintenant la COFA, et on peut penser que le regroupement de leurs différentes antennes locales voulu par M. l’ambassadeur Monchau (pour autant que ce regroupement soit effectif) a porté ses fruits. A moins que ce ne soit par l’absence de concurrent plus structuré !
La carte des adoptions internationales par département français confirme la tendance à long terme d’une forte adoption autour de la Bretagne, hormis les très grandes métropoles.
Les adoptions intra familiales représentent en 2017 6% du nombre de visas accordés, en provenance pour l’essentiel des pays d’Afrique. Une quinzaine d’enfants ont plus de quinze ans, ce qui indique qu’il ne peut s’agir que d’adoptions simples, relativement rares au niveau international, mais peut-être faut-il y voir un phénomène émergent, montrant la compatibilité de l’aspect international avec le maintien des liens avec la famille d’origine.
Enfin, les données sur l’âge des parents, sujet récurrent à l’époque du Conseil Supérieur de l’Adoption et qui perdure avec le Conseil National de Protection de l’Enfance, montrent que la proportion des plus de cinquante ans est plus importante pour les démarches par OAA que pour les démarches individuelles, mais malheureusement l’expression en pourcentage plutôt qu’en nombre ne permet pas d’affiner l’analyse. On est également étonné que le décalage d’âge des adoptants (pendant longtemps on constatait un écart d’une dizaine d’année entre l’âge médian à la première grossesse et l’âge médian à la première adoption) ne soit pas plus grand étant donné l’allongement de la procédure et le fait que parfois un second agrément soit maintenant nécessaire.
On peut se risquer à relier le sentiment de satisfaction (en tout cas tel que rapporté par la presse) de la MAI au fait que la convention de La Haye ne comporte aucun critère quantitatif permettant de jauger des effets de son application. La seule variable qui reste est celle du nombre de visas émis : moins il y a en, plus la probabilité d’un risque lié à l’adoption internationale diminue.
Mais cela ne démontre nullement la capacité des pays membres de la convention d’améliorer la protection de l’enfance dans l’ensemble des pays signataires, nonobstant le titre premier de la convention susnommée.
La réduction des adoptions internationales est un phénomène mondial depuis dix ans environ. Mais la protection de l’enfance a-t-elle progressée au niveau de chacun des pays signataires de la convention internationale ou même plus globalement au niveau mondial dans des proportions aussi significatives que la baisse des adoptions internationales ? La question reste ouverte.