Pour une contribution du MASF aux débats du CCNE

Mis à jour le mercredi 20 juin 2018 21:55

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Dans le contexte d’une consultation du comité national d’éthique, le MASF contribue par le texte ci-dessous à la réflexion sur la GPA, l’accès aux origines et les différents modes de filiation.

Le MASF soutient l’adoption comme projet de protection de l’enfance, l’objectif avant tout étant de donner une famille à un enfant qui en est privé. Nous alertons sur le risque de voir la GPA se substituer à l’adoption sous le prétexte qu’il sera plus facile d’effectuer une telle démarche plutôt que de suivre un processus d’adoption internationale classique. Nous craignons que cela se fasse au détriment des enfants des orphelinats en attente de famille. Au constat des questions posées par la GPA en matière d’adoption, le MASF entend exprimer une position qui serait conforme à l’intérêt de l’enfant déjà né par GPA.

Le MASF (Mouvement pour l’Adoption Sans Frontières) est un regroupement de onze associations de parents ayant adopté à l’international (APPO), régi par la loi de 1901, qui accueille aussi, à titre individuel, des adoptés et des adoptants. Membre du Conseil National de la Protection de l’Enfance (CNPE), le MASF est régulièrement consulté par les pouvoirs publics lors de propositions ou de projets de lois, dès lors que le texte en projet touche l’adoption.

L’adoption de mineurs, essentiellement dans sa forme plénière, est la rencontre de deux attentes : celle d’un enfant durablement privé de famille (et rarement orphelin), et celle d’adultes prêts à établir un lien de filiation sur la durée, lien indispensable, croyons-nous, pour un développement le plus harmonieux possible, que ce soit du point de vue cognitif, social ou psychologique. L’adoption internationale relève sans discussion de la protection de mineurs pour lesquels elle constitue une solution qui répond à un double principe de subsidiarité : une adoption plutôt qu’une famille défaillante, internationale en cas de défaut au niveau national.

La Conférence de droit international privé de La Haye a proposé à la signature de ses Etats membres, dès 1993, une convention de coopération, destinée à harmoniser les procédures en matière d’adoption internationale, en explicitant ce qui relevait de la responsabilité du pays d’origine des enfants (l’adoptabilité) et ce qui relevait de celle du pays des adultes qui se proposent de les accueillir (leurs capacités à prendre en charge un ou plusieurs enfants). Malgré certains défauts, cette convention peut être considérée comme un bon outil, mis en place par une centaine de pays. En revanche, elle rencontre clairement des limites, en ce qui concerne la protection de l’enfance, dans des pays où les structures administratives et juridiques ne sont pas en capacité de répondre au niveau d’exigence de la Convention.

Sur le plan judiciaire français, plusieurs arrêts, rendus en 2017 par la Cour de cassation, constituent un revirement de la jurisprudence en matière d’établissement de la filiation dans le cas d’une gestation pour autrui (GPA) pratiquée par un couple français dans un pays qui autorise cette pratique. Le fait que la GPA soit interdite en France ne s’oppose pas à la transcription à l’état civil français de la filiation avec le père biologique. Mais la mère est celle qui accouche, laquelle est étrangère en principe. Ces décisions de la Cour de cassation, qui s’inscrivent dans la logique de celles de la Cour européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), qui a imposé à la France de reconnaitre comme père le géniteur dans le cas d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger, autorisent désormais le(a) conjoint(e) du père à demander à adopter l’enfant (pourvu que l’adoption, dont les conditions légales devront être remplies, soit conforme à son intérêt).

Le MASF n’a pas vocation, statutairement, à prendre position sur un débat de société ; notre raison d’être se situe dans la prise en charge d’enfants délaissés, mal traités ou parfois en danger avec ce principe essentiel que le représentant légal de l’enfant ait consenti à l’adoption et à la rupture des liens avec la famille de naissance en cas d’adoption plénière.
Mais force est de constater que la nouvelle donne juridique s’impose à notre association par le fait que la solution jurisprudentielle permet désormais au conjoint d’intention d’établir la filiation par l’adoption, qui devient de facto internationale.

Nous déplorons que cette règle nouvelle ne soit posée que par la jurisprudence, en raison du silence du législateur. En attente de la mise en place d’une loi, nous sommes favorables à ce qu’il soit vérifié, a minima, que la mère de naissance a consenti, postérieurement à la naissance de l’enfant, à renoncer à la filiation, sans gain matériel indu pour qui que ce soit, ainsi que le font les autorités françaises depuis plusieurs décennies pour l’adoption internationale. Il convient de trouver un équilibre entre la mère de naissance, les parents de filiation et les enfants afin de procurer à ces derniers les meilleures conditions pour effectuer la recherche éventuelle de leur histoire précoce, le jour venu.

Nous rappelons néanmoins que nous restons très attachés au maintien d’un acte de naissance ne mentionnant, comme parents de toute personne, que les parents de filiation, selon le principe énoncé par la loi du 11 juillet 1966, qui a institué les deux formes d’adoption que nous connaissons toujours, simple et plénière. Toute autre disposition, qui ferait apparaître clairement les modalités d’établissement de la filiation, constituerait une discrimination entre les différents modes de filiation et partant, envers les adoptés et les personnes issues de GPA.

A l’avenir, il serait grandement souhaitable qu’une convention internationale, actuellement à l’étude au sein de la conférence de La Haye, voit le jour sur le sujet et que la France en soit partie active, pour garantir à la fois, les droits de la mère de naissance, ceux des parents d’intention et ceux des enfants.

Tels sont les arguments que nous souhaitons porter à la connaissance du comité consultatif national d’éthique.


Pour le MASF, son président,
Le 10 avril 2018

Marc Lasserre